Chers étudiants, amis, vous voilà parvenus
Au terme d’une étape, à un seuil inconnu.
De ces ans douloureux, longs et même équivoques,
Que conserverez-vous ? Rien qu’une douce époque.
Vous avez travaillé, votre échine à courbé,
Tout ne fut pas plaisir ; vous n’êtes point tombés.
Le but et la ferveur d’aurores novatrices
Vous en ont empêchés, ce sont de doux complices.
On vous a nommés « Ploucs ! », oui, pour vous déprécier !
Parfois on mésestime, à défaut d’exhausser
Car le rampant a peine à élever sa tête
Alors sa vanité reste sa seule fête.
De votre intelligence, un souvenir ardent
Réjouira ma mémoire. Et il est évident
Que je ne retiens pas l’intelligence étale
Calculatrice et propre à beaucoup d’acéphales.
Mais celle où l’humaniste a forgé son creuset,
Où une incandescence alimente projet
Appétence et passion. Une ardeur vous anime
Prémices de destins qui tendent au sublime.
Ne la bâillonnez pas ! Allez, cultivez-la !
Le ciel vous est acquis, vous y brillez déjà,
Il vous reste à laisser en devenant comète
De vos rêves la trace en atteignant le faîte.
Nous avons emprunté pour cet enseignement
Une artère commune où vraisemblablement
Je me suis essayé, aidé de mes faiblesses,
A inculquer vos sens de certaines justesses.
Or je n’ai jamais eu aucune prétention
D’être un maître émérite obtus de perfection.
Aux autres cet éclat ! Mes minces connaissances
Je vous en ai fait don, je n’ai point d’omniscience.
Mon voeu, dès le début, fut de vous élever
Où je n’ai pu aller, et de vous motiver
A poursuivre sans cesse une part de vos rêves :
Cette source féconde où s’abreuvent vos sèves.
Même brièvement, si j’ai contribué
A nourrir vos esprits sans les diminuer,
Alors j’ai réussi, ma tâche est accomplie
Et je peux vous laisser à votre oeuvre infinie.
Puis vous questionnerez vos élections. Plus tard,
Vous saisirez la Grèce au-delà de son fard.
C’est plus que des cailloux érigés en sagesse,
Voilà l’épuisement de fervents en détresse
Pour s’être consumés en quêtant l’idéal
Et leur vie a suffi quand on voit ce régal.
Mais seul un helléniste a la délicatesse
De respirer les ans de toutes ces prouesses.
Il a pris de son temps pour suer sur leurs mots
Et comprend aisément les fruits de tout fardeau.
Que vous restera-t-il après cette visite ?
L’espoir tant attendu d’une vie sans limite.
Quand on voit l’infini, tout le reste est acquis.
Il suffit de cueillir ce que l’on s’est promis.
Qu’adviendrez-vous demain ? N’ayez aucune crainte
Quand on a guerroyé, le sort de toute plainte
Est déjà la serment d’un lendemain heureux
Et de votre jeunesse éclora votre jeu,
Vous en serez le maître, il n’y aura d’autre issue,
Puisque c’est l’avenir qui en vous s’insinue.
Il ne me reste plus qu’à vous souhaiter bon vent,
Même si l’amertume hante déjà mes sangs.
De votre compagnie éveillée et subtile,
Un souvenir radieux vivra un cours fertile.
Peu importe vos choix, ce sera votre lot
Mais j’aurais grand plaisir à en goûter l’écho.
Vous étiez étudiants dans une grande école,
Vous êtes des amis, je vous cède en parole.
Poème prononcé à Epidaure lors du voyage des Grecs 2013