Dédicace à Marc Bonnant 2011 A

Chers étudiants, on glisse, on effleure, on consume

A un rythme effréné, parfois même l’écume

De sa prime jeunesse au regard d’un ancien

Qui de son oeil sévère estime en praticien.

Vous méjugez les vieux, eux ont peine à vous lire,

Ou vous lisent trop bien mais le choix à élire

Pour traverser à gué cet abîme des ans,

Ou des générations, si le trait n’est plaisant,

Est source de querelle et surtout de méprise,

Car un jeune vieillit, un vieux se modernise.

L’un brûle les deux bouts de son plus précieux bien

Puisqu’on est trop pressé d’être déjà demain.

L’autre éprouve un regret empreint de nostalgie :

Il n’a plus les moyens de sauver sa bougie.

Et pourtant ils sont proche en exceptant mûrir.

Un seul mot les sépare au lieu de réunir.

Un jeune est plein d’allant et nargue l’expérience,

Car son coeur invincible abonde en omniscience.

Lui se meut lentement mais toujours pleinement,

Car il traîne avec lui le poids de ses serments.

 

Mûrir, chers étudiants, ce mot pourtant si neutre

Aura vite raison du suffisant, du pleutre.

Combien de fois un chêne a dû se surpasser

Pour trôner, imposant, en milieu de forêt ?

Et vous, êtes-vous prêts à épuiser votre âme

Ou guettez-vous le heurt de votre prochain blâme ?

Pressez-vous, hâtez-vous, car la vie n’attend pas

Que vous la nourrissiez, elle exige un repas.

Bientôt demain viendra emportant dans ses traces

Les pas de vos regrets et de vos volte-face.

Mais il est temps encore à tourner nos regards,

Pour observer les faits en ayant tout égard

A ne pas occulter les desseins de vos rêves.

Si tels sont vos désirs, refusez toute trêve.

 

Mûrir est essentiel, il me faut l’expliquer

Oui, plus simple est le mot, plus il faut le brusquer

Pour qu’il devienne vous, un seul et unique être

Dont le souffle unifié éloigne le paraître.

Mûrir, c’est d’abord voir, non pas hâtivement

En effleurant ce sens, mais intrinsèquement.

C’est entendre l’oiseau qui tous les matins piaille

Et ressentir son chant pénétrer nos entrailles.

Il est là devant nous, nous hèle de sa voix

Et nous n’en avons cure, remués par l’émoi.

C’est frémir en voyant s’épanouir la rose

Dont l’effluve déjà agite nos narcoses.

C’est apprendre un savoir, non pas une leçon,

Car il faut avoir soif pour croître nos moissons.

Oui, c’est vivre l’instant, mais sans demi-mesure,

Consumer sa passion, aller jusqu’à l’usure.

Le chêne est terre et air puisqu’il se nourrit d’eux.

Il est indissociable et surtout besogneux.

Mais regardez sa force et sa toute puissance,

Il n’a jamais cessé d’accroître son essence.

Aujourd’hui étudier est devenu le lot

De votre quotidien, oubliez les sanglots.

Laissez-vous emporter, tant pis s’il y a dérive

Vous ne serez très loin d’une nouvelle rive.

 

Il est maintenant temps de se laisser bercer

Par une voix altière aux accents exercés.

Son verbe est enivrant, sa voix est enjôleuse,

Mais ne vous trompez pas, il n’y a nulle berceuse.

En écoutant notre hôte et ses modulations,

N’oubliez surtout pas cette consolation :

L’effort précède l’art, l’art est toujours amène,

Surtout s’il est entier. Voici un phénomène

Débordant de finesse et de subtilité,

Après mon exposé, vous l’aurez mérité.

La scène est à vous, Maître, et je vous laisse place

A nous de profiter des jeux de votre audace.